dimanche 11 décembre 2011

Chroniques de Suède

Il existe des moments dans l'année qu'on attend avec impatience et qui nous rendent fous de joie lorsqu'ils arrivent finalement. Pour certain, c'est l'arrivée du printemps ou du premier jour des vacances.  Pour d'autre, ça sera la première neige ou l'arrivée du nouvel an.

Pour mon amoureuse, c'est le jour où le catalogue Ikea arrive à la maison ! Il sera alors impossible de lui parler avant la fin de la seconde ou troisième lecture complète de cette bible du meuble en kit !

Il faut le reconnaître, cette chaîne connue mondialement est plus qu'un simple magasin de meuble. C'est une culture, un mode de vie en soit ! Personnellement, je ne sais pas encore si j'aime ou pas. Je cultive vraiment une relation amour-haine avec ce magasin.

Aller chez Ikea, c'est un peu comme aller à Disney World, mais en jaune et bleu, puis avec Sven et Ingmar au lieu de Mickey et Pluto. Le stationnement est aussi grand et aussi plein. Lorsqu'on y arrive, une certaine excitation s'empare de nous, à la vue du gigantesque édifice, des 4 lettres géantes qui l'ornent et des drapeaux multicolores. On est loin de chez Ameublement Elvis.

Au huitième tour du stationnement dans l'espoir de trouver une place, l'enchantement commence à diminuer un peu, mais le miracle finit par se produire. Enfin, une petite place à l'extrémité ouest. On voit encore l'édifice, mais il est tout petit.

Quand j'y entre, je me sens instantanément dans un autre pays. Ce n'est plus le Québec, mais bien une version adaptée de la Suède pour le tourisme mobilier. Tout est trop beau, presque irréel. Plein de grandes affiches pour nous accueillir, des ascenseurs pour nous épargner des efforts, des petits crayons de mini-golf pour prendre des notes, des petits mètres en papier pour prendre ses mesures, des petits sacs recyclables, et des plans pour s'y retrouver (Je ne sais pas pourquoi d'ailleurs, il n'y a qu'un chemin possible). Et aucun vendeur pour briser la magie. Essayez d'aller chez Brault & Martineau et de traverser en ligne droite le magasin sans qu'un seul vendeur ne vous assaille à grands coups de "J'peux-tu vous aider ?". Même en courant, c'est impossible. Deux mots: "miel" et "abeilles". (J'aurais pu moins bien choisir.)

J'entre immédiatement dans l'ambiance. Je veux être suédois, je me sens suédois, je suis suédois et je parle et chante en suédois. C'est facile, on n'a qu'à utiliser des mots en plaçant des accents n'importe où et en les finissant avec 3 ou 4 consonnes. Essayez de fredonner "Hej! Visste du pratar strutsar till salu? Jag vill lägga i min soppa bilar" sur l'air de "Promenade en traineau" ! C'est normal de faire un effort quand on voyage. Quand je suis aux États-Unis, je parle anglais. Si je vais dans les caraïbes, j'essaie de parler un peu l'espagnol. Même la fois où je suis allé en France, j'ai fait un gros effort pour essayer de parler français !

Je regarde chacun des livres qui décorent les bibliothèques. Un roman Harlequin en suédois, ça a tellement l'air plus romantique. Mais c'est pas évident dire à l'élue de son coeur,  "Jag älskar dig" (Je t'aime) sans risquer de lui expédier sa gomme en plein front.

On démarre ensuite le circuit. Une petite marche de santé de 3 kilomètres sans possibilité de dérogation. Même si on vient pour acheter des chaises en plastique pour la visite, on doit absolument voir les chambres, les salles de bain, les cuisines et les salons. On y voit toutes les sortes de gens: Les p'tits vieux qui se bercent dans la section mobilier de salon, les enfants qui se vautrent dans les bassins de toutous, les jeunes couplent qui essaient chacun des matelas. D'ailleurs, j'ai toujours eu un malaise à essayer un matelas dans un magasin. Est-ce vraiment en se couchant dessus, raide comme un poteau, avec ses bottes d'hiver, qu'on peut voir si nos nuits vont être transformées ? Ikea devrait penser à installer des salles fermées pour que les couples puissent réellement essayer le matelas, comme un salon d'essayage, mais avec une limite de temps de 20 minutes.

Je me demande souvent aussi, pourquoi tous les meubles ont un petit nom: "Billy, Skärpt, Klippan". Est-ce pour créer un lien d'affection avec sa bibliothèque ou sa lampe de chevet ? Est-ce que ça fonctionnerait aussi si Léon nommait ses tables "Fernande" et ses meubles de télé: "Paprika" ?

Donc, on venait acheter un petit meuble de télé, mais avant même de comprendre ce qui nous arrive,  on est en train de mesurer les tables  pour voir si ça entre dans la salle à manger, puis de choisir la bonne couleur de cabinets pour la cuisine ! Et tout ça sans aucun vendeur à pression ! Comment ils font ?

Enfin, mon moment favori arrive ! Le resto Ikea. Il m'est impossible d'y aller sans manger l'assiette de petites boulettes suédoises, avec sauce, patates et canneberges, avec un bon verre de jus de lingone ! (J'ai aucune idée c'est quoi, peut-être du cool-aid au fraises, mais ça sonne exotique, donc c'est bon.) Tout ça pour la moitié du prix d'un trio Big Mac.

Parfois, je songe qu'il serait bien de venir vivre ici. Le confort assuré, pour moins cher ! On se lève le matin, après une bonne nuit sur un lit Ingvär (dans la salle d'essayage), et on va prendre le petit déjeuner pour 1.99$.  Ensuite, on se trouve une belle salle de bain pour y faire sa toilette ! On passe la journée à se la couler douce, calés dans un bon fauteuil Vankèrtnrkkt à regarder une fausse télé en plastique, ou à nourrir les touristes qui passent en leur lançant des boules au chocolat suédois, puis à 16h on va essayer de retrouver junior enfoui dans le fond de la piscine à balles. Enfin, le soir venu, petite balade en amoureux sur un panier de marchandise, souper au saumon et mini bouteille de vin, avec 300 petites chandelles utilitaires blanches, pour l'ambiance, puis dodo, dans un autre lit, un Graësmurkt cette fois pour briser la routine quotidienne. C'est la belle vie !

Retour à la réalité ! Une fois qu'on a réussi à s'extirper du château fort de l'étage du haut, on arrive dans le donjon ! Le paradis des petits gadgets dont on n'a absolument pas besoin, mais qu'on finit toujours par acheter ! Un petit ensemble de couteaux à cornichons, des jolies petites lampes qui ne prennent aucune ampoule conventionnelle,  des dizaines de petites boites pour ranger des trucs qu'on n'a pas, puis des plus grosses boites pour ranger les petites boites qu'on a en trop !

Et là, on cherche ! On cherche dans la forêt des étagères géantes, notre petite Billy à quatre tablettes en imitation ébène. Bien entendu, la base de la bibliothèque se trouve en A12 et les tablettes sont en Z87, soit 9 kilomètres plus loin. Pas de problème ! On a le plaisir de conduire un magnifique panier Ikea aux quatre roues mobiles ! Avez-vous déjà essayé de conduire une voiture avec 4 pneus d'été usés sur une patinoire fraîchement zambonisée ? Impossible de tourner ! Ce qui n'est pas l'idéal quand on transporte la super table Warpptkkëttn avec dessus en verre !

Puis le vrai plaisir commence: L'épreuve de l'assemblage en couple, en 6 étapes faciles !

1- Déballer tous les morceaux avec excitation et se rendre compte que le dernier dans le fond est éraflé ou que le sac de vis est manquant.
2- Tenter de remballer le tout et réaliser que ça prend étrangement 3 fois plus de place qu'avant.
3- Aller-retour au service d'échange pour avoir un autre meuble, mais beige parce plus de noir ébène.
4- Essayer de mettre le plan dans le bon sens, puis achever le montage au trois quart pour réaliser que le premier morceau ne va pas dans ce sens.
5- Recommencer le montage en se demandant si on avait vraiment besoin d'une 5ème bibliothèque dans la maison.
6- Ramasser les 5 km carrés de carton pour le recyclage, et admirer l'oeuvre qui devrait survivre 2 ans avant que le nouveau modèle ne paraisse dans le catalogue !

Un couple qui s’acquitte de l'épreuve du montage de meuble sans dispute ou gros mots, est un couple solide. Et comme dit le proverbe suédois:

"Lycka är bara några varv hex" (Le bonheur n'est qu'à quelques tours de clé hexagonale !)

6 commentaires:

  1. tu m'as fait bien rire en te lisant je me voyais faire le tour du Ikéa avec mon chum

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  2. Drôle par sa poignante vérité!

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  3. Tellement vrai ! Combien de fois doit-on défaire pour mettre à l'endoit un morceau à l'envers.... ou on le remarque des mois après et on hésite....Dilemme - On défait tout en sachant qu'on va faire monter la pression ou bien on laisse tomber...

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  4. Moi, mes meubles c'est des Ikéa pis j'ai pas à me plaindre.
    C'est pas mal mieux que Bricks!

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  5. Moi il me reste toujours des vis en trop :-0

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  6. Moi j'en manque toujours. Garde-les, la prochaine fois, tu pourras m'en passer !

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