Notre ancêtre, l'homme de Neandertal passait ses journées à vaquer à trois occupations: Dormir, barbouiller les murs des cavernes et chasser pour se nourrir.
Les visionnaires des années 50 l'affirmaient: Dans les années 2000, l'homme consacrera la majeure partie de ses journées à ses loisirs, se déplacera en voiture volante et s'alimentera grâce à des petites pilules de rôti de bœuf et de canard à l'orange.
Je crois qu'on a du manquer une sortie quelque part !
De nos jours, on constate qu'on est plus proche de notre grand père néandertalien que des prévisions de la société utopique dont rêvaient nos prophètes en herbe. À part dessiner sur les murs des cavernes, on fait exactement la même chose qu'il y a 250,000 ans, sauf qu'au lieu de chasser et manger, on va à l'épicerie et on prépare nos repas, ce qui est cent fois plus compliqué pour à peu près le même résultat.
Dans le temps, on se mettait à dix pour attraper un gnou géant à grandes dents. On le ramenait à la grotte et puis on se partageait les morceaux. Si le lendemain c'était une gazelle hurlante à cornes en spirale qui passait dans le coin, et bien on mangeait de la gazelle le soir. C'était simple et efficace.
Aujourd'hui, c'est un véritable casse-tête. Tout d'abord il faut élaborer la liste de ce qu'on va manger pour toute la semaine. Comment on décide que jeudi prochain on va avoir le goût de pâté chinois ? Notre liste est un savant mélange de plusieurs sources : Les grandes chaînes d'épicerie via les circulaires nous disent ce qu'elles veulent qu'on mange; Riccardo, Josée di Stasio et François Chartier nous disent ce qu'on rêverait manger, Mitsou nous dit ce qu'on devrait manger et notre budget et notre horaire chargé nous disent ce qu'on a les moyens de manger. Ça donne une liste intéressante.
On doit ensuite parcourir un terrain de football plein à craquer de nourriture avec notre panier dont la roue avant-droite fait « squeek » et le remplir en tentant de suivre la fameuse liste. C'est là qu'on se rend compte que notre liste, c'était seulement une suggestion de départ. Ce sont les allées qui décident ce qu'on veut vraiment ! « Chérie, regarde, la boite d'ailes de poulet est en spécial ! Je remet le tofu.». C'est pour ça qu'on découvre plein d'aliments pas à leur place dans toutes les allées : Un pot de yogourt 0% parmi les chips, un pain brun dans l'étalage des gâteaux McCain ou une belle salade romaine abandonnée dans le frigo des pizzas surgelées.
Personnellement, il y a toujours un élément de la liste que je ne trouve jamais lors du premier passage. Je repart alors dans le sens inverse en regardant les affiches au plafond, mais aucune catégorie n'arrive à classer le produit que je cherche.
Où sont les anchois ? C'est un poisson mais ce n'est pas avec les poissons. Ah voici les sardines, ça doit être pas loin ? Pas du tout. Les mets exotiques peut-être ? Mais non ! Je demande alors au commis, qui se gratte la tête puis dit : « Ah oui, dans le rayon des réfrigérés à côté du fromage en crème ». Pourquoi n'y ai-je pas pensé moi-même !
On achète toujours beaucoup trop. Je peux évaluer à quelque dollars près le prix de l'épicerie selon le comportement du panier dans les courbes. Si le panier n'arrive pas à tourner à temps au bout de l'allée du surgelé et fonce droit dans l'étalage des bières, c'est un 200$ assuré. Et ce surplus finit inévitablement par produire une quantité phénoménale de petits restes dans des petits plats hermétiques en plastique, dans le fond du frigo. Je suis certain que c'est grâce à ces petits restes oubliés qu'Alexandre Flemming à découvert la pénicilline.
Conseil pratique # 47 : Si votre ampoule de frigo est brûlée depuis 3 mois et que ça s'illumine quand même quand vous ouvrez la porte, il est temps de jeter le reste de saumon oublié depuis 8 mois.
Il faut ensuite la préparer cette bouffe. Pour ça on a de l'aide. Première source : L'hérédité. On a tous 3 ou 4 recettes qu'on a appris de notre mère qui l'appris de sa mère. Je parle ici de notre jambon à l'ananas, de notre pâté chinois et notre sauce à spag. Il faut absolument les placer quelque part dans le mois. Et on se trouve tellement créatifs quand on se permet une petite modification : « Oui mais moi je mets de l'autruche fumée dans ma sauce ! ».
Il y a aussi les livres de recettes pour s'inspirer. Nos mères n'en avait qu'un ou deux et elles pouvaient cuisiner toute une vie sans trop se répéter. De nos jours, on en a tous au moins une vingtaine, dont les trois quarts proviennent d'un échange de cadeau au bureau. Qui n'a pas reçu le classique « La banane plantain, cette inconnue: 103 recettes faciles » ou « La cuisine bulgare et ses secrets avec Dimitri le chef accordéoniste ».
On ne peut non plus éviter le nombre sans cesse croissant des émissions culinaires. Tout à l'air bon, et tellement simple à faire. Je me demande souvent où on peut se procurer ces fours magiques qu'ils y utilisent. On y met une dinde de 30 kilos, on ferme la porte et la rouvre immédiatement et sa majesté de la basse-cour en ressort dorée et juteuse. Dans toutes les recettes, il y a toujours un ou deux ingrédients dont je n'ai jamais entendu parlé. On entend le pseudo chef dire, avec un certain détachement : « Ensuite on ajoute une pincée de chubritsa et on laisse mijoter 10 minutes ». Bien sur, le chubritsa se trouve dans toutes les bonnes épiceries bulgares près de chez vous ! Pour le plaisir, il m'arrive parfois, lorsque je cuisine un plat plus complexe, de préparer tous mes ingrédients dans des petits plats en verre, disposés en demi cercle devant moi, et de parler tout seul à la caméra imaginaire, vidant mes petits plats dans la poêle : « … puis on ajoute 200g de carottes finement ciselées en forme d'étoiles à six pointes ... » C'est tellement agréable !
Bref, on écoute l'émission qui nous expliquait comment faire un magnifique carré de porc à la rhubarbe, sauce au cognac, on salive comme un St-Bernard, puis l'émission terminée, on va faire le souper : un kit de tacos avec les tortillas-durs-à-fonds-carrés-pour-pas-qu'ils-tombent-sur-le-côté .
Je ne peux pas dire que je déteste faire les repas, mais il y a toujours moyen de rendre ça plus agréable. En tant que « gars » j'aime cuisiner si les conditions suivantes sont réunies :
- Je peux utiliser du vin ou de la bière dans la recette. Ça donne l'impression de faire de la grande cuisine et il en reste toujours assez pour rendre le processus plus agréable.
- Je peux utiliser mes outils électriques. Même pour émincer un demi petit oignon, je dois utiliser mon robot ou mon hachoir électrique. Plus c'est bruyant et violent, mieux c'est !
- Il y a de la bonne musique qui joue à la radio. Quoi de mieux que de préparer une belle pièce de bœuf sanguignolante en écoutant à fond « Sunday, bloody Sunday » !
Une heure de planification, une autre heure à l'épicerie, 3 heures de préparation, 10 minutes pour dresser la table, pour quinze petites minutes de dégustation. On pense alors à Grolk, notre ancêtre du Neandertal assis avec sa tribu autour du feu, en train de s'arracher un autre morceau de patte de gazelle. Il n'aura même pas de vaisselle à faire, le chanceux !
- Et puis, tu as aimé ça ?
- C'était pas mal, mais ça avait l'air meilleur à la télé, tu trouves pas?
- T'as pas dû mettre assez de chubritsa !
Plogue: Vous n'avez pas le goût de cuisiner, mais de vous gâter ? Allez faire un tour à l'excellent resto "Chez Chose" à Montréal.
RépondreSupprimerhttp://www.chezchose.net
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